Luc Brunet – 28 Décembre 2022
Comme les lecteurs réguliers l’ont remarqué, je n’ai pas publié beaucoup d’articles en 2022. Il est clair que l’attention a été surtout portée cette année aux événements en Ukraine, et j’ai écrit quelques remarques à ce sujet, la dernière fois en mai. Cependant mes articles essaient en général de proposer une analyse d’une situation donnée, en essayant d’éviter l’influence des émotions. Malheureusement, avec de nombreux tués chaque jour, les émotions ne peuvent être mises de côté, et j’ai décidé de commenter ces événements uniquement sur ma chaîne Telegram, un endroit où les émotions ont plus de place qu’ici. Un lien vers cette chaîne est disponible sur la page d’accueil.
Des articles plus anciens sur l’Ukraine pourraient cependant vous intéresser si vous ne les connaissez pas encore, et vous pourrez les retrouver facilement grâce au mot-clé « Ukraine » dans la recherche par catégorie à droite de l’écran.
Ce que je veux écrire aujourd’hui est certainement lié au conflit en Ukraine, mais à un niveau beaucoup plus élevé. C’est la lutte pour l’hégémonie mondiale de l’élite occidentale, y compris la création d’un gouvernement mondial.
Pas question de m’accuser de complotisme, tant les objectifs et les lignes directrices de ce projet sont discutés et publiés ouvertement, par exemple au sein du Forum économique mondial (WEF) dirigé par Klaus Schwab.
Tout a commencé avec la fin de l’Union soviétique et la fin apparente de la Chine communiste et sa transformation en un atelier géant fournissant aux entreprises occidentales tous types de produits, des jouets aux téléphones portables.
Fukuyama et son livre ‘End of History’ est la plus belle illustration de cette période qui débute dans les années 90. Le monde occidental croyait à cette époque à l’émergence d’un nouveau monde qui serait complètement sous le contrôle de l’Occident, et pour être plus précis, sous le contrôle du système économique anglo-américain. Soros est un autre exemple de cette tendance et de l’effort du système occidental pour prendre le contrôle total de l’économie mondiale.
Le WEF de Schwab, fondé 20 ans avant la fin de l’Union soviétique, est devenu plus actif et connu du public à la fin des années 80, alors que l’effondrement de l’Union soviétique était déjà prévisible.
Depuis lors, l’influence du Forum est devenue de plus en plus visible et Schwab avec son équipe a développé le concept d’une gouvernance mondiale qui remplacerait pas à pas les gouvernements locaux élus des pays, même si cette démocratie locale est plus cosmétique que réelle.
Le modèle de leadership mondial du WEF est toujours présenté afin de le rendre attractif pour les populations. Bien que certaines propositions comme le plan visant à réduire la population mondiale à 500 millions de personnes soient un faux, les déclarations et publications du WEF et de ses partisans gardent toujours un niveau d’ambiguïté sur ce qu’ils pensent et prévoient réellement.
De nombreux mondialistes influents comme le citoyen français (vivant à Bruxelles) Laurent Alexandre soutiennent également un leadership mondial, dirigé par les gens « qui savent ce qui est bon » pour le monde.
L’émergence d’un gouvernement mondial est cependant bloquée, principalement par deux grands pays qui proposent une alternative, basée sur un système multipolaire : la Chine et la Russie.
Certains pourraient m’arrêter ici en disant que la Chine et la Russie sont des pays non démocratiques et qu’ils résistent à un système démocratique promu par l’Occident. J’ai des réponses à cela, mais évitons de telles discussions, car mon argument contre une gouvernance mondiale est contre tous les types de gouvernance, qu’elle soit libérale anglo-saxonne, traditionaliste russe, autoritaire asiatique ou toute autre variante.
Essayons simplement d’imaginer ce que signifie un leadership « mondial » ! Qu’est-ce que ça veut dire?
Cela signifie d’abord que le système est le même partout. Deuxièmement, cela signifie que le système n’a pas de concurrent ni d’alternative. C’est un pur monopole de pouvoir, et si l’on lit Schwab, c’est un système contrôlé par les « responsables », les gens qui « savent quoi faire ».
Une gouvernance mondiale signifie aussi que les opposants sont totalement dépendants de l’establishment. Ils n’ont aucun soutien extérieur et aucun endroit où aller. Imaginons ce que cela veut dire concrètement avec quelques exemples :
- même au sommet de la période communiste au siècle dernier, les gens en URSS avaient encore l’espoir de fuir et de se déplacer vers l’ouest, ou l’espoir que le système évoluerait sous la pression de l’ouest. Même s’ils ne pouvaient pas le faire dans la vraie vie, un tel espoir était là et les a aidés à survivre. Dans un régime communiste mondial, même ce petit espoir serait impossible.
- dans les pays islamiques les plus intolérants, les homosexuels sont persécutés et souvent tués. Beaucoup peuvent partir et vivre une vie libre dans d’autres pays. Dans un régime islamique mondial, il ne resterait que le désespoir.
- de plus en plus de personnes en Occident ne sont pas d’accord avec la vague « LGBT », ou ne veulent pas vivre dans un pays envahi par des migrants de culture et de religion très différentes. Certaines de ces personnes déménagent en Russie ou dans d’autres pays avec une vision plus traditionnelle de la vie. Dans une société mondiale obsédée par le genre, la résistance serait inutile
- les Chinois qui regardaient la Coupe du monde de football ont été choqués par l’approche libérale du COVID utilisée dans d’autres régions du monde. De grandes manifestations ont commencé et la politique chinoise a radicalement changé par la suite. Dans un régime mondial de type chinois, les masques et l’isolement forcé fleuriraient sans aucune alternative.
Les exemples peuvent être énumérés en grand nombre. Dans tous les cas, l’existence d’un système ou d’un lieu «alternatif» est essentielle pour que les gens survivent dans n’importe quelle situation. Même s’ils ne partent pas, la possibilité d’un changement est essentielle pour leur équilibre mental et leur survie.
Un système et un gouvernement mondiaux fermeraient cette dernière porte à la liberté. Ce serait une prison de style 1984. Une prison sans murs, vu qu’elle serait la même absolument partout.
Croire qu’un gouvernement mondial, donc unique et exclusif, éviterait toutes les tendances dictatoriales et totalitaires que nous avons toujours vues dans l’histoire humaine est au mieux trop optimiste, et très probablement totalement insensé. Les bonnes intentions se terminent souvent par des effusions de sang, et une gouvernance mondiale finirait à coup sûr par un goulag mondial.
La promesse du leadership occidental, c’est la promesse d’un piège planétaire, un enfer pour tous, sauf quelques membres de l’élite. Tout pays ou groupe de pays proposant un tel système mondial serait également dangereux, car le diable n’est pas dans le type de système proposé, mais dans le fait qu’il deviendra un système monopolistique unique, rendant les changements impossibles. La nature humaine ne permet jamais à un pouvoir non partagé et incontrôlé de rester sain d’esprit et juste très longtemps, car la cupidité et l’amour du pouvoir sont plus forts que les bonnes intentions.
Pensez-y lorsque la discussion tournera autour de la «gouvernance mondiale» par rapport au «système multipolaire». Un système multipolaire n’est peut-être pas le paradis, mais un gouvernement mondial sera à coup sûr l’enfer.