Luc Brunet – 26 janvier 2015
La presse occidentale se plait à décrier une Russie devenue folle sous l’impulsion de Vladimir Poutine, se mettant en travers des projets US ou occidentaux comme cela fut le cas en Syrie et plus tard en Ukraine. Il a été annoncé que la Russie serait « isolée », et elle a depuis été exclue du G8. Des sanctions ont été prises contre des personnes proches du pouvoir politique et économique russe, ainsi que contre des banques et sociétés russes. En moins de deux ans, la Russie a cessé d’être un pays ami, et est devenu l’ennemi suprême.
La Crimée est bien sur mise en avant, mais en fait les relations ont commencé à se détériorer bien avant cette crise, et si l’on regarde bien, dès que la politique de Poutine visant à une restauration de la puissance économique et politique russe a commencé à porter ses fruits.
Mais qu’aurait donc dû faire la Russie pour rester parmi les amis de l’Ouest, et surtout continuer à plaire aux stratégistes et néo-conservateurs US? Ce papier essaye de répondre a cette question, non pas en imaginant une pure fiction, mais en se basant sur de multiples déclarations et documents publiés par les divers think-tanks néo-conservateurs. Il s’inspire également de l’histoire récente d’un pays apparemment tellement apprécié par ces mêmes néo-conservateurs : l’Ukraine.
Mais démarrons l’histoire à son début ! A la suite de près de 10 années sous la direction de Boris Yeltsine, très apprécié par les élites occidentales pour sa docilité et son penchant pour la bouteille, un nouveau venu, inconnu des occidentaux, prend les rênes de la Russie. Pas Poutine, mais un fonctionnaire poussiéreux, également un peu ou même très alcoolique… Et voilà ce que devint la Russie sous son autorité !
Déliquescence des structures de l’Etat
Les années 90 ont vu une déliquescence rapide des structures de l’ancien Etat soviétique. Certains de ces changements furent bien sur positifs, mais ils se firent sans planification ni contrôle, et sans les actions requises pour les remplacer par de nouvelles structures cohérentes et efficaces, notamment dans les domaines de la Santé, l’Education, les Transports etc. Dans les années 2000, et suivant les recommandations des consultants US ou Européens, une nouvelle phase se prépare, avec entre autres la privatisation de la plupart des grands services publiques. Les acheteurs sont des oligarques Russes ou des sociétés occidentales qui, moyennant un investissement minimum, grâce à une valorisation favorable faite par les sociétés de conseil.
Les Chemins de Fer Russes, Aeroflot sont privatisés. La distribution de l’eau tombe dans le panier d’un grand groupe Européen de ce segment, y compris la distribution d’eau chaude, traditionnellement produite en Russie dans des centrales dédiées.
Le système éducatif reste publique, mais un manque chronique de financement fait que la qualité de l’enseignement continue de chuter considérablement. Les établissements privés fleurissent durant les années 2000, donnant une éducation de bien meilleure qualité, mais à un cout élevé, sur le modèle US. Le système de santé subit le même sort, et la médecine gratuite du système soviétique disparait, laissant la place à une médecine privée, avec un rapide développement des cliniques et hôpitaux privés, ainsi que des assurances santé volontaires. Les seules centres gratuits ou semi-gratuits subsistants sont dans les régions les plus pauvres, fournissant un service de très piètre qualité aux habitants locaux.
Les ressources naturelles
A la suite de la vente de Youkos à un grand groupe US par Mikhail Khodorkhovsky en 2002, toutes les sociétés productrices de gaz ou de pétrole Russes furent cédées à des conglomérats US ou Européens, la dernière en 2004. Ces transactions eurent bien sur un effet positif dans le domaine de l’exploration (recherche de nouvelles réserves) qui avait été délaissée dans les années 90, mais elles résultèrent également en une chute dramatique des revenus fiscaux pour l’Etat Russe, les nouveaux propriétaires utilisant tous les moyens légaux possibles pour « optimiser » leur charge fiscale et « exporter » leurs profits dans des paradis fiscaux, en partie grâce à des aménagement juridiques favorables votés par la Duma.
La même évolution concerna l’industrie minière, avec par exemple la vente de Norilsk Nickel au groupe Australien BHP Billiton.
Le secteur industriel
Apres de longues années de décrépitude, le secteur industriel Russe avait peu de chance de renaitre de ses cendres de par lui-même. La plupart des marques furent vendues à des sociétés étrangères qui purent mettre à profit la bonne qualité de la main d’œuvre ainsi que le bas niveau des salaires et des couts sociaux en Russie. Boeing acheta plusieurs fabricants Russes de matériel aéronautique, alors que de nombreuses compagnies occidentales délocalisèrent leur production en Russie, pour servir le marché local et les marchés internationaux.
Le domaine militaire
D’une manière comparable à l’évolution des structures militaire Ukrainiennes, l’armée Russe continua à se désintégrer dans les années 2000, en raison d’une baisse régulière des budgets, et d’un manque criant de compétence au niveau du haut et moyen commandement. La situation du matériel nucléaire devint extrêmement critique après un accident sérieux dans l’ouest de la Russie. La communauté internationale dû intervenir en 2006 et une conférence internationale fut organisée sous l’égide de l’ONU. Le démantèlement progressif de l’arsenal Russes fut décidé, malgré l’opposition de ce qui restait de la direction militaire Russe et d’une partie de la population. Plusieurs manifestations dans les grandes villes russes furent dispersées brutalement. Le plan établi fut de transférer tout l’arsenal nucléaire sous l’autorité de l’ONU ou de l’OTAN avant 2020.
Dans le même mouvement et à cause d’un manque critique de financement, les quelques bases Russes à l’étranger furent abandonnées. Une des bases les plus emblématiques, la base navale de Sébastopol en Crimée, fut évacuée en 2013 et l’Ukraine transféra ses termes de location à l’US Navy en 2014.
L’implosion de la Fédération de Russie
En ce qui concerne l’administration territoriale, le système d’élection des gouverneurs de régions fut maintenu, menant à une indépendance croissante des régions par rapport à Moscou.
Le premier phénomène de dislocation vint du Caucase, après une terrible vague d’attentats à Moscou et quelques grandes villes russes entre 2000 et 2003. Devant l‘indécision d’une classe politique moscovite affaiblie, certains groupes islamiques venant du moyen orient réussirent à déstabiliser la plupart des régions musulmanes du Caucase et la Fédération de Russie perdit le contrôle de ces régions dès 2005. Inquiets d’une possible déstabilisation de l’Azerbaïdjan, les US intervinrent le long de la frontière entre ce pays et la Fédération de Russie en 2009, et établirent une base militaire US en Azerbaïdjan en 2011.
Les régions de Sibérie demandèrent plus d’autonomie en 2005, voulant recevoir directement toutes les taxes, même réduites, venant de la vente du gaz et du pétrole. Des demandes similaires se succédèrent, venant de régions qui perdaient tout intérêt à rester dans la fédération, vu le niveau de faiblesse et de corruption du gouvernement central.
Des démonstrations de masse furent organisée à Ekaterinbourg, Vladivostok et d’autres grandes villes, encouragées par la visite médiatisée de personnalités US comme Victoria Nuland ou le Sénateur McCain. Vu le coté explosif de la situation, une conférence internationale fut organisée début 2014, et le principe fut acquis d’organiser un referendum sur l’indépendance de plusieurs régions. Les résultats furent rapides à venir, et quatre régions décidèrent de devenir indépendantes à la fin de 2014 : – la République d’Oural (incluant également les régions de Perm et Orenbourg)
– la République de Sibérie
– la République de Primorie (extrême orient Russe)
– la République du Tatarstan
Le reste du pays, en gros l’ouest et le nord-ouest décida de rester uni et se constitua en République de Russie.
Sans plus attendre, les républiques de Sibérie et de Primorie, inquiètes pour leur sécurité vu leur longue frontière avec la Chine, demandèrent d’adhérer à l’OTAN et signèrent des accords pour permettre aux US de déployer des bases militaires dès 2015 dans les régions de Vladivostok (base navale), Irkoutsk et Touva.
Au vu de cette dislocation rapide de la Fédération de Russie, le processus de démantèlement de l’arsenal nucléaire du pays fut accéléré et terminé à la fin de 2014.
Aspects démographiques
Après les années 90 et le déclin rapide de la population Russe, les années 2000 virent ce déclin s’accélérer encore, notamment avec la fin de la couverture sociale de la population et l’effondrement du système de santé d’Etat. Une faible natalité, une espérance de vie en chute libre, combinés à une forte émigration des jeunes diplômés firent qu’après l’implosion du pays en 2014, la population totale de l’ex Fédération de Russie n’atteignait plus que 125 millions de personnes. Le salaire moyen était légèrement en dessous de celui de l’Ukraine, loin de celui des pays d’Europe de l’est ou de la Chine Populaire. Le niveau de chômage en République de Russie était proche de 25%, et celui des jeunes de moins de 25 ans de plus de 50%. Alors que les élites choisissaient de vivre en Europe ou aux US, la classe moyenne se trouva piégée dans un nouveau pays plus petit, avec peu de ressources et en crise économique profonde. De nombreux groupuscules néo-nazis montèrent en puissance en 2014, attirant les jeunes désœuvrés.
Un paradis pour néo-conservateurs
Les évènements ci-dessus viennent bien sûr de mon imagination, mais encore une fois sont basés sur ce que les leaders du « monde d’avant », et surtout les néo-conservateurs occidentaux de tout poil rêvent de voir:
• plus d’arsenal nucléaire Russe pour défendre la Russie et éventuellement la Chine
• des bases militaires US tout autour de la Chine
• la mer Noire contrôlée par les US, et une base navale US de première grandeur en mer Caspienne (Azerbaïdjan), face a l’Iran
• une Fédération de Russie implosée en plusieurs pays tous sous influence US ou Européenne. La République de Sibérie sous dépendance économique des géants US du pétrole, la République de Primorie complètement dépendante de l’OTAN pour sa sécurité, la République d’Oural liée de près à l’Europe et en particulier à l’Allemagne pour des raisons industrielles et commerciales
• la plupart des ressources naturelles et industrielles sous contrôle direct ou indirect de sociétés occidentales
• ce qui reste de la Russie (la République de Russie) virtuellement sans armée réelle, et avec une population de moins de 80 millions d’habitants, en déclin et en rapide vieillissement
Sauron – pardon, Soros – et Brzezinski payeraient cher pour voir ce tableau en se levant le matin.. mais même leur argent de suffira jamais. Jamais !